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Perpignan: l’université aux cinq vies

PATRIMOINE. À l’occasion des journées du patrimoine, l’ancienne université de Perpignan a montré sa nouvelle façade, après plusieurs mois de rénovation. Âgé de trois siècles, le bâtiment est passé par une période de gloire, avant d’être délaissé, transformé en archives communales, puis oublié. Aujourd’hui, il est sur le point de retrouver son nom initial : l’université.

Au coeur du quartier Saint- Jacques, à l’angle de la rue du Musée, des grandes grilles austères en fer forgé sont surplombées par un blason aux lettres dorées indiquant : « archives communales ». Derrière, la cour centrale abrite une fontaine carrée en marbre gris qui s’est asséchée au fil des siècles. Vide, la cour de pierre ressemble à l’entrée d’un vieil hôtel particulier, pourquoi pas hanté. Grâce aux journées européennes du Patrimoine, la barrière en fer forgé était ouverte ce dimanche 21 septembre. Bondée de monde, l’allée centrale conduit directement vers une salle lumineuse repeinte en jaune et blanc. Archive communale depuis 1981, cet ancien hôtel roussillonnais aux briques rouges est plus connu par les Perpignanais sous le nom « d’ancienne université ».

1763

En réalité, le bâtiment à lui seul pourrait être un mémorial, tant il a eu plusieurs vies. Salle de cours, bibliothèque communale, salle de conférences, puis d’exposition, personne ne sait plus trop au juste, combien de vies a pu avoir cet édifice âgé de trois siècles. Sa première fut de représenter le siècle des Lumières. Construit entre 1760 et 1763 par Augustin-Joseph de Mailly, lieutenant général de la province du Roussillon, le bâtiment devait remplacer l’université médiévale de Perpignan, en ruines. Le maréchal finança l’ensemble des travaux. Inquiet par le contexte politique tendu, le riche gouverneur est alors persuadé que construire une université pourra adoucir les moeurs déjà révolutionnaires des années 1 750. « Sous Louis XV, le contexte politique était déjà très tendu », explique Laurent Fonquernie, guide conférencier. Achevé en 1763, le bâtiment triangulaire est réalisé sur trois étages. Il abrite une salle principale, deux ailes rigoureusement similaires avec plusieurs salles identiques, ainsi qu’une tour cylindrique située à l’arrière et qui servait d’amphithéâtre d’anatomie. Un des seuls construit dans le royaume au cours du XVIIIe siècle. Pendant une trentaine d’années, l’université enseigne le droit, la théologie, la médecine et la philosophie. « Perpignan était au coeur du siècle des Lumières, la recherche se développait et de nombreux savants venaient y enseigner », continue Laurent Fonquernie. Particularité : l’université n’a pas de chapelle religieuse, contrairement à l’ensemble des monuments de la ville. « C’était une volonté du roi, qui montre que la religion n’avait pas sa place dans l’enseignement. C’est assez rare pour l’époque », précise le guide. Augustin Joseph de Mailly est apprécié par les étudiants. Le mécène un cabinet d’histoire naturelle, de physique, ainsi qu’une bibliothèque publique. Par la même occasion, il donne l’ensemble de ses livres, soit plus de 3 000 ouvrages.

La Révolution

Sa première vie était lumineuse. Elle fut très courte. Construite à l’aube de la Révolution elle n’échappe pas aux manifestations violentes et aux pillages. En 1794, elle ferme ses portes pour être oubliée pendant plus de vingt ans. Combien d’étudiants ont été accueillis au sein de l’université ? Aucun moyen de le savoir, seul Joseph Cassanyes a laissé des traces dans les cours de médecine qu’il fréquentait avant de devenir médecin puis homme politique. « Il ne reste que très peu d’archives de cette époque. Tout a été détruit pendant la Révolution », regrette Laurent Fonquernie. Oubliée, l’université ne mourra pas pour autant. Elle accueillit la bibliothèque communale, puis le musée des Beaux-arts et enfin les Archives Communales. Il faudra attendre les années 1970 et la construction de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD), pour que le souvenir de l’université perdue soit peu à peu oublié avec celui du bâtiment. Les années passèrent et seulement quelques expositions comme celle de Visa, permettaient de redonner vie à la salle principale, mais il fallait se l’avouer : l’université du siècle des lumières avait pris un coup de vieux. On la croyait à l’agonie.

Une nouvelle vie

Mais depuis plusieurs mois, la nouvelle s’est propagée rapidement. D’abord, des pancartes « En cours de rénovation » ont été accrochées sur la façade. Puis ce fut au tour des murs d’être entièrement repeints en jaune et blanc, suivant les couleurs initiales du prestigieux bâtiment. Immortelle, la vieille dame de 250 ans s’est modernisée en installant des éclairages modernes et des prises électriques au sol. Entièrement rénovée, l’ancienne université est restée discrète sur ses nouvelles intentions, mais c’est un secret de polichinelle. Le président de l’UPVD Fabrice Lorente veut y installer des étudiants. Si pour le moment, aucune annonce officielle n’a été faite, sans la décision officielle du maire Jean-Marc Pujol, tout semble prêt pour accueillir les nouvelles salles de classe. « Certains bureaux ont déjà été installés », souffle Carine Durant, animatrice au service architecture de la ville, en lâchant à demi-mot : « l’université a été restaurée pour une utilisation actuelle ». Pour l’instant, les travaux ne sont pas entièrement terminés, mais les salles de classe sont en train d’être aménagées. « C’est l’université qui revient dans son patrimoine », résume Carine Durant. L’ancienne université de Perpignan reprendra alors son vrai nom et recommencera pour la cinquième fois, une nouvelle vie.

Une université dès le Moyen-Âge

Le roi Pierre IV d’Aragon fonda l’université à Perpignan en 1 349. À cette époque il y en avait 25 dans le monde. Près de 400 étudiants venaient y étudier le droit, les arts et la médecine. Concurrencée par Montpellier et Toulouse, elle fonctionna tout au long du Moyen-Âge, jusqu’en 1763, avant de déménager.

Marie Demeulenaere


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