L’alternance : l’avenir de la jeunesse ?
ÉCONOMIE. Alors que le gouvernement a annoncé qu’il misait sur les formations en alternance pour lutter contre le chômage des jeunes, de nombreux étudiants sont séduits par ces contrats. Pour autant, ils rencontrent encore des difficultés à trouver des entreprises. Karen Latour et Marie Demeulenaere.
«Pas de formation sans employeur d’ici la prochaine rentrée scolaire », c’est la promesse du ministre du travail François Rebsamen. Lundi 5 mai, il a affirmé lors d’une mobilisation pour l’emploi qu’il souhaitait augmenter le nombre d’alternants de 100 000, pour atteindre l’objectif de 500 000 en France. Une fête de l’alternance réunit d’ailleurs chaque année une soixantaine d’entreprises et 80 écoles à Paris. Mise en place dans les années 1980 (voir encadré), la devise de l’alternance est claire : permettre à des étudiants de bénéficier d’une formation pratique grâce à un contrat d’embauche et ainsi faciliter leur accession à la vie active. Une devise qui a fait ses preuves puisque le nombre de jeunes qui ont accès à l’alternance a un accès plus facile à l’emploi. Plébiscité par le gouvernement pour lutter contre le chômage des jeunes de moins de 25 ans (24 % en 2014 en France), les modèles de formations liées à l’alternance se développent désormais avec les contrats de professionnalisation et les contrats de génération. En 2013, plus de 273 000 jeunes étaient inscrits dans la filière de l’alternance en France.
Jeunes séduits, entreprises réticentes
Pourtant, malgré l’attirance des jeunes pour cette méthode, le nombre de contrats d’alternance est en baisse. En France, les contrats d’apprentissage (contrats qui concernent les jeunes de 16 à 25 ans qui sont en formation au Centre de Formation des Apprentis) ont reculé de 20 % en 2014, tandis que les contrats de professionnalisation, qui concernent les jeunes mais aussi les demandeurs d’emploi de plus de 26 ans qui souhaitent acquérir une qualification, sont en baisse de 32 %. Dans les Pyrénées-Orientales, 878 contrats en alternance ont été signés selon les chiffres de la Chambre de commerce et d’industries, soit 60 contrats en moins par rapport à 2013. Ce ne sont donc pas les jeunes qui boudent l’alternance, mais plutôt les entreprises. Si elles sont réticentes à signer des contrats, c’est principalement à cause du manque d’aide financiere de l’État, qui a décidé de supprimer les aides accordées aux entreprises. Jusqu’en 2013, la région versait des « indemnités compensatrices » : des aides financières accordées aux entreprises, de 1 800 euros par apprenti. Une autre aide de 1 800 euros, appelée « l’aide au recrutement CDI » était aussi versée aux entreprises qui embauchaient leurs apprentis à la fin du contrat en alternance. Une diminution de 20 % des aides à l’apprentissage et un sérieux paradoxe qui va à l’encontre de la promesse du gouvernement de placer la jeunesse à l’honneur. Autre point noir dénoncé par les entreprises : le manque d’informations et de réunions pour les chefs d’entreprise, un peu dépassés par l’augmentation du nombre de formations qui proposent des contrats en alternance.
De nouvelles cibles
Car aujourd’hui, les étudiants qui choisissent la voie de l’alternance ont changé. Auparavant destiné pour la formation aux métiers manuels, l’alternance forme des jeunes issus du CAP (Certificat d’aptitude professionnel) au Bac +5, de la restauration à la banque. Principalement composé de PME (Petites et Moyennes Entreprises), le département mise sur le secteur de la restauration, du tourisme et du commerce. Sur les 878 contrats en alternance proposés en 2013, 300 étaient issus du secteur de la restauration, principalement dans le service. « L’apprentissage dans notre filière est très attractif car il est adapté aux métiers du département », indique Michel Jean, directeur du CFA BTP Languedoc-Roussillon. Mais d’autres formations, autres que celles classiques, ont pris le parti de l’alternance. « La mentalité évolue », affirme Olivier Tailhan, directeur du CFA Agricole de Rivesaltes qui forme 230 jeunes de niveau CAP jusqu’au BTS. « La plupart des entreprises qui recrutent sont les entreprises d’aménagement paysagers », précise-t-il.
L’enseignement supérieur mise sur l’alternance
Les écoles de commerce, telles que Sup de Co à Montpellier, ont elles aussi fait le pari de l’alternance depuis quelques années. Actuellement, 640 étudiants de master, soit presque la totalité des élèves de dernière année, ont opté pour ce type d’enseignement. « Et notre but est d’arriver à une généralisation de l’apprentissage, à l’image du modèle allemand », explique Alexandre Bosque-Oliva, responsable du développement de l’alternance. « Là-bas, il n’est pas rare de voir un patron de grande entreprise qui soit passé par l’alternance. » Dans cette école, l’alternance a connu un vrai boom ces sept dernières années, avec une multiplication par sept des contrats d’apprentissage. Les écoles de commerce ont donc su anticiper ce souhait des étudiants d’avoir rapidement un pied dans l’entreprise, réel avantage pour l’insertion professionnelle. À l’inverse, d’autres formations de l’enseignement supérieur restent à la traîne. Si bien que les CFA des Pyrénées-Orientales voient arriver sur leurs bancs un tout nouveau public : des jeunes déjà diplômés qui souhaitent se réorienter. « Nous en avions huit l’an dernier, cette année ils sont trente », raconte Stéphane Bouils, directeur du CFA de la Chambre des métiers et de l’artisanat des Pyrénées- Orientales. Ces stagiaires adultes optent surtout pour les formations de prothésiste dentaire ou d’ébénisterie. Le constat est identique du côté du BTP. « Ce phénomène est nouveau. En ce moment, nous en avons entre 25 et 30 mais ils sont en constante augmentation », complète Michel Jean.
L’alternance en quelques dates
1975 : Instauration du contrat emploi-formation (CFE), précurseur le plus direct de l’alternance. À cette époque, dans un contexte de démocratisation de l’enseignement, une telle idée ne disposait pas d’une image très favorable.
1983 : L’accord interprofessionnel du 26 octobre crée la formation professionnelle en alternance, dispensé dans le cadre de contrats de qualification et d’adaptation.
2003 : Signature d’un accord qui réunit l’ensemble des anciens contrats en un seul : le contrat de professionnalisation. Ce n’est plus seulement la qualification qui importe mais la professionnalisation.